L’épigénétique, à l’origine d’immenses possibilités

Chacune de nos cellules contient l’ensemble de notre patrimoine génétique : 46 chromosomes hérités de nos parents sur lesquels on compte environ 25 000 gènes. Mais si toutes nos cellules contiennent la même information, elles ne sont jamais parfaitement identiques ! La clé du mystère se nomme « épigénétique ». L’épigénétique (mot-valise de « épigenèse » et « génétique ») est la discipline de la biologie qui étudie la nature des mécanismes modifiant de manière réversible, transmissible (lors des divisions cellulaires) et adaptative l’expression des gènes sans en changer la séquence nucléotidique (ADN). C’est un concept qui dément la fatalité des gènes.

Par exemple dans la nature, une même larve d’abeille deviendra une reine si elle est nourrie à la gelée royale, ou une ouvrière si elle est nourrie au pollen, et un même œuf de tortue peut éclore en mâle ou femelle en fonction de la température. Il s’agit bien de l’expression du même code génétique global, mais des facteurs environnementaux ont sélectionné une expression plutôt qu’une autre, chacune étant disponible dans la « base de données » génétique.

Dans ses recherches, le biologiste cellulaire Bruce Lipton, PhD, prouve que l’environnement détermine le destin des cellules, pas le schéma génétique. Lipton écrit: «J’ai placé une cellule souche dans une boîte de culture, et elle s’est divisée toutes les dix heures. Après deux semaines, il y avait des milliers de cellules dans la boîte, et elles étaient toutes génétiquement identiques, ayant été dérivées de la même cellule mère. J’ai divisé la population cellulaire et je les ai inoculés dans trois boîtes de culture différentes. Ensuite, j’ai manipulé le milieu de culture – l’équivalent de la cellule de l’environnement – dans chaque boîte. Dans un plat, les cellules sont devenues de l’os, dans un autre, du muscle et dans le dernier plat, de la graisse. Cela a démontré que les gènes ne déterminaient pas le sort des cellules car elles avaient toutes exactement les mêmes gènes. L’environnement a déterminé le sort des cellules, pas le modèle génétique. Donc, si les cellules sont dans un environnement sain, elles sont saines. S’ils se trouvent dans un environnement insalubre, ils tombent malades. »

Une membrane cellulaire est recouverte de milliers de protéines réceptrices qui interprètent différents signaux de l’environnement, puis relaient ces informations à la cellule. Ce processus contrôle la façon dont les gènes sont lus et exprimés. Les gènes choisis pour être activés sont le résultat direct de signaux provenant de l’environnement. Vous pouvez avoir une prédisposition génétique à une maladie. Par exemple, vous pouvez avoir des antécédents familiaux de diabète, de maladie cardiaque, d’obésité, etc. Cela signifie que vous courez un risque plus élevé de ces problèmes de santé, mais cela ne signifie pas que c’est votre destin.

Ariane Giacobino, généticienne agrégée à l’hôpital et à la faculté de médecine de Genève, membre des sociétés suisse, européenne et américaine de génétique humaine, et chercheuse en épigénétique, indique « L’épigénétique modifie toute la machinerie de nos cellules avec à la clé, parfois, de grosses différences de fonctionnement. Contrairement à ce que nous pensions, notre patrimoine génétique n’est donc pas le seul responsable de tous nos maux puisque l’activité de nos gènes peut être affectée par des facteurs extérieurs. […] Pour ma part, après avoir exposé des souris gestantes à deux pesticides (vinclozoline et méthoxychlore), j’ai constaté des modifications sur l’ADN des spermatozoïdes de leurs bébés. Ce même phénomène peut sûrement expliquer l’augmentation de l’infertilité actuelle chez les hommes. De nombreuses publications font aussi la preuve d’un lien avec un stress durable et intense, lequel prédispose à des crises d’angoisse ou à des comportements addictifs marqués épigénétiquement. Dans un groupe de 28 paires de vrais jumeaux âgés de 5 à 10 ans, dont un a été harcelé à l’école et l’autre non, une différence de méthylisation (processus d’activation ou de désactivation des gènes) est notée sur le gène SERT, qui influe sur la transmission de la sérotonine dans le cerveau et signe une plus forte réactivité au stress. Mais les facteurs environnementaux peuvent aussi avoir une influence positive. Ainsi, six mois d’entrainement sportif modifient significativement l’épigénome du muscle et du tissu adipeux et facilitent la pratique. […] Tout au long de notre vie, mais la période fœtale est certainement la plus sensible. On parle désormais « d’origine développementale des maladies ». Une exposition à certains facteurs lors de la grossesse entraine des mécanismes épigénétiques participant à la programmation chez le fœtus de maladies qui ne se déclareront qu’à l’âge adulte. Des chercheurs ont ainsi montré que 60 ans après leur naissance, des enfants nés de femmes ayant manqué de nourriture en début de grossesse présentent des altérations épigénétiques sur un gène impliqué dans le métabolisme et souffrent plus fréquemment d’obésité, de maladies cardio-vasculaires ou psychiatriques. De même, l’obésité ou le diabète maternels peuvent affecter l’épigénome du bébé. Les violences subies par une femme enceinte laissent également leurs empreintes biologiques sur l’enfant à naître, et risquent d’engendrer plus tard des fragilités psychologiques et organiques. Les conséquences sont d’autant plus lourdes qu’elles sont transgénérationnelles : des modifications de l’épigénome de rates gestantes exposées à des perturbateurs endocriniens ont été observées pendant trois générations. Des variations épigénétiques sur le gène NR3C1, lié au codage des récepteurs au stress, ont été relevées chez des mères rwandaises témoins du génocide et chez leurs enfants alors que ceux-ci ne l’ont pas vécu directement. […] Considérer que tout n’est pas programmé génétiquement, autrement dit déterminé, apporte un message d’espoir. Cela signifie que chacun peut agir sur son comportement quotidien et son mode de vie pour vivre mieux plus longtemps. »

Quels sont les facteurs pouvant influencer l’expression des gènes :

  • L’alimentation
  • Le climat géographique, les températures environnantes
  • L’environnement extérieur : exposition aux éléments de la nature ou non, habitat en campagne ou en pleine ville, etc.
  • Le stress, l’anxiété
  • Les émotions et les pensées (Dr Joe Dispensa fait un travail remarquable, tout comme Bruce Lipton, sur ce sujet)
  • Les polluants divers (pesticides, métaux lourds, bruits, lumières artificiels, tabagisme actif ou passif, etc.)
  • Le statut nutritionnel et antioxydant de l’organisme
  • L’exercice physique
  • Le plaisir éprouvé dans la vie et la qualité des relations (couple, famille, amis, etc.)

Il existe des périodes clés dans l’apparition des modifications épigénétiques. « La grossesse et la première année de vie sont des moments particulièrement importants », indique la chercheuse Linda Booij qui travaille aussi au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. On parle notamment de l’importance des mémoires transgénérationnelles et prénatales, et des 1000 premiers jours dans le développement de l’enfant et du futur adulte qu’il deviendra.

Comprendre tous ces mécanismes, et que tout est modifiable si on le permet au corps, nous ouvre à tous des possibilités immenses !

Source :

https://www.sensetsante.fr/lepigenetique-une-promesse-de-nouvelle-medecine/

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique

 

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